dimanche 30 décembre 2007

30 ans d’urbanisation en Alsace

Un constat étayé mais inquiétant sur la réalité de l’étalement urbain. Travail partagé de l’ADEUS et de l’AURM à la demande de la DRE et de la Région Alsace. A lire même si l’on habite pas en Alsace. Il se charge ici

samedi 22 décembre 2007

Au bistrot, on parle de logement (suite 2)


La crise, les crises car celle du logement est celle des quartiers ne sont pas séparées, créent l’unanimité. Il est évident qu’elles sont insupportables, que les premières victimes en sont les plus pauvres et que le dommage au développement de la société est très important.
Ce constat étant fait, l’action ne peut être que articulée autour de deux grands principes.
  • Lutter contre les effets
  • Lutter contre les causes
Chacune de ces priorités est indépendante de l’autre, voire contradictoire dans ses effets immédiats, et pourtant elles sont toutes aussi importantes l’une que l’autre.
Pour lutter contre les effets de la crise que je vois 4 axes majeurs :
  • la fluidité des marchés
  • la sécurisation
  • la résorption de la vacance
  • l’amélioration de l’image HLM
La fluidité du marché demande, d’abord, un changement de posture. De manière très française nous adorons faire des catégories : des logements étudiants sont vacants, des jeunes travailleurs ne trouvent pas pour habiter. On construit des PLS mais on manque de PLUS. Les différents parcs aidés doivent trouver également une synergie interne. Les parcs HLM en particulier doivent entrer dans une logique territoriale alors que seule la logique patrimoniale, légitime, est en oeuvre actuellement, spécialement sur le territoire de la communauté urbaine. Il est aussi évident que la transformation de la politique habitat en politique fiscale a des inconvénients : la fabrication d’un “produit habitat” en fait un produit d’investissement qui ne correspond pas totalement à la réalité des besoins. Cela entraîne des difficultés d’accès au logement, des difficultés de solvabilité, et des déboires futurs pour les investisseurs

La sécurisation demande également un changement d’attitude, la question du garant pour l’accès au logement des plus démunis, ou même des jeunes qui s’installent, est révélatrice. Le Locapass initialement mis en place pour faciliter l’accès et rassurer les propriétaires, aboutit à stigmatiser les bénéficiaires. Le marché est tendu et la facilité règne, il faut dire que, pour un propriétaire, le risque n’est pas anodin : quatre années au minimum pour sortir un locataire récalcitrant même de très mauvaise foi ! Certes la protection du locataire est indispensable mais elle est devenue trop compliquée et avec des effets collatéraux dramatiques. La question de la sécurisation est l’objet d’un débat national et à mon avis ne doit pas être traité au niveau local, cela n’empêche pas de faciliter et de dynamiser l’usage des dispositifs de substitution à la caution.
La vacance est une plaie urbaine, des logements vides occupent le territoire, mobilisent des services et ne servent à personne. Des projets et des tentatives de fiscalité appropriée existent mais apparemment sans effet, faut-il les accroître ? Faut-il mettre en place des dispositifs de cession patrimoniale ? Faut-il sécuriser l’usage par des baux emphytéotiques ? Toutes ces solutions sont, sans doute, bonnes et doivent être mises en place simultanément. La lutte contre la vacance et tout particulièrement au centre-ville est une priorité, pour créer du logement, mais surtout pour animer le tissu urbain. Les politiques de résorption de l’habitat insalubre font partie de l’histoire mais doivent probablement être réutilisées et animées avec force et conviction. Mais la résorption des logements vacants ne doit pas avoir comme seul objet la gentryfication des quartiers les plus demandées.
L’image du logement social est désastreuse, à tort : initialement mis en place pour loger les populations modestes et laborieuses, il est désormais confronté à l’hébergement des populations immigrées est démunies. Le patrimoine dont les bailleurs sociaux disposent est très typé, il convient de le faire évoluer sans perdre en quantité et tout en gagnant en qualité. La tâche n’est pas aisée, elle passera par des cessions, des ventes aux habitants, des restructurations massives et de la production. C’est pour cette raison que les politiques des organismes doivent être coordonnées et négociées au niveau local. Le changement d’image est totalement indispensable car on ne compte plus les opérations, ralenties ou arrêtées par des voisins bien-pensants qui imaginent voir déferler un quartier en difficulté pour 12 logements HLM construits au coin de la rue. Il faut communiquer sur les excellentes réalisations récentes. Il faut également dire ce que l’on fait et annoncer la couleur très longuement à l’avance. Il faut, peut-être, changer le nom de certains organismes en particulier les plus publics et les plus grands.
Pour lutter contre les causes de la crise quatre pistes s’ouvrent à nous
  • arrêter de gâcher le foncier
  • avoir une politique publique de maîtrise du foncier
  • monter des opérations crédibles
  • casser la rigidité du parc social
Ne pas gâcher le foncier consiste à l’utiliser pleinement. Il faut préciser que depuis une vingtaine d’années la taille moyenne des opérations baisse, le vélum également et très souvent on se vante d’avoir réalisé 10. 20 ou 30 % de logements en moins que ce qui était juridiquement possible sur la parcelle. Small n’est pas Beautiful ! Certaines villes commencent à réhabiliter des coefficients d’occupation du sol minimum, en Allemagne on oblige des opérations de mixité fonctionnelle avec activité ou commerce au rdc. Toutes ces pistes sont bonnes, il convient de ne pas en faire des religions mais de les traiter simultanément et avec un état d’esprit un peu plus volontaire.
Il ne peut pas y avoir de politique d’aménagement sans foncier public. Le municipalisme social a été fondé avec ce principe. Il faut maîtriser le foncier pour exiger l’aménagement; cela ne nécessite pas une maîtrise d’ouvrage publique totale mais simplement une continuité d’action et une volonté affichée. Très rapidement les partenaires privés comprennent le dispositif et jouent le jeu. La politique de la ville de Nantes est particulièrement intéressante sur cet aspect. Une politique d’acquisitions foncières, même momentanées pour revendre rapidement à un opérateur choisi, permet également de maîtriser les coûts et de stabiliser la spéculation foncière qui bien plus que la spéculation immobilière a pourri le marché ces dernières années.
Des opérations d’aménagement et de construction crédibles sont indispensables à la fabrication des références immobilières et foncières. Pour cela, il faut que les choses sortent de terre, sans atermoiements, sans complications administratives inutiles. La qualité de ces opérations doit être exemplaire sans être exceptionnelle, la recherche de l’exception conduit souvent à des prises de risques inutiles. Le mieux est l’ennemi du bien surtout quand on fait peu. Les règles du jeu que la ville (ou la communauté) entend mener sur le territoire doivent être appliquées sur les opérations : quotité de logements sociaux, cibles environnementales, mixité fonctionnelle, participation aux équipements. C’est dans l’exemple et dans la rapidité de mise en oeuvre, que se prouve le bien-fondé d’une politique. Actuellement Strasbourg est déserté par nombre d’investisseurs y compris ceux à vocation sociale car les opérations sont impossibles à monter, bien trop aléatoires et, de plus, hors de prix pour l’acquisition foncière.
La rigidité des parcs publics et sociaux est un facteur qui freine la régénération des tissus de la ville. Pour ce pour y remédier il faudra négocier des stratégies patrimoniales uniques et coordonnées engageant les opérateurs et la collectivité à l’échelle de deux décennies. La valeur ajoutée du logement social n’est pas dans le stock mais dans la capacité du flux, on a transformé l’outil en objectif. la remise sur le marché d’une faible partie du stock devrait décupler, au delà des pertes, la capacité de production.
On le voit, tous ces éléments sont liés mais la cohérence de ces politiques est régulièrement prouvée. Seul inconvénient : les échelles de temps sont importantes et dépassent l’urgence
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jeudi 20 décembre 2007

A bistrot on parle d’habitat et d’urbain (suite)


Sur la question de l’intensité urbaine.


L’heure est à la réévaluation de la densité. Le motif est est le développement durable, la nécessite de réduire les transports et l’extension “abusive” des agglomérations. La réponse technique par la densité, n’est qu’un aspect. Il faut convenir que, sous prétexte que certaines banlieues sont perçues comme denses, le mouvement inverse a été sacralisé depuis 30 ans. Sur le Bas Rhin, il y a 4 ans on constatait une baisse régulière de la taille des opérations d’habitat, une baisse du vélum (hauteur des habitations). On constate également une allergie des populations riveraines aux opérations importantes. Il apparaît que ce rejet des développements urbains est caractéristique d’une posture du type “après moi le déluge” mais aussi d’une crainte du syndrome ZUP. L’urbanisation massive et monolithique laisse de longues traces !
En réponse, c’est probablement en prêchant une ville plus intense, plus mixte, plus variée fonctionnellement, plus animée, plus ponctuée que l’on parviendra à des pistes positives. .
La question de la densité en elle même est assez simple. Le territoire national urbain connaît une densité assez base (autour de 27 logts /ha) la ville Haussmanienne de 110 à 150, le lotissement entre 7 et 20. La cible de 80 à 200 est raisonnable pour un centre de ville moyenne, la cible de 45 est cohérente pour des zones agglomérées en rural. C’est donc, pour le faubourg, entre 50 & 70 qu’il faut viser. Attention aux chiffres, suivant le périmètre on peut leur faire dire ce que l’on veut. La ville n’est pas une question d’arithmétique. L’excès d’ambition peut nuire à la réussite de l’amélioration.
Pour des raisons explicitées plus bas, il est également important de laisser des capacité de progressions futures sur chaque site.
La “ville intense” sera probablement le fruit d’une posture raisonnée, ouverte et diverse plus que d’une doctrine.
Sur l’urbain occidental et européen
Le phénomène urbain occidental est un des support de sa civilisation, il est en mutation permanente. Grossièrement, trois doctrines s’affrontent et se combinent. Celle qui déplore la “Cita difusa” c’est à dire la banlieue continue et indistincte (entre Lille et Bruxelles, de Frankfurt à Köln etc…) La concentration des centralités aggrave le phénomène en déqualifiant et en résorbant dans la “suburb” les anciens pôles secondaires. L’enjeu devient alors celui de la préservation de poumons verts par grosses nappes.
La seconde prône des villes de transit organisées autour des nœuds de transports et tablant sur une forte concentration à ces endroits, structurant leurs périphéries.
La dernière théorie, plus modeste propose le polycentrisme et des réseaux de cités s’auto-limitant chacune, une urbanisation progressive construite autour des traces de la structure rurale et des établissement urbain précédents. C’est évidement la plus sympathique.
Sur la question de la mixité sociale, urbaine etc..
La diversité des profils sociaux, économiques et culturels sur un territoire est devenu une aspiration partagée par nos contemporains. Elle succède à une construction du “français moyen” et de l’homme idéal (du Corbusier et de ses amis) qui avait préfiguré les projets de l’après guerre.
Désormais cette aspiration de mixité se retrouve légiféré et applicable, avec une bonne volonté quasi générale. Elle peut cependant se concevoir à plusieurs échelles, celle de l’agglomération avec des quartiers dédiées - c’est une dérive à l’américaine du concept -, celle de l’immeuble avec des statuts différents - c’est une vision optimum un peu lointaine et encore utopique - C’est bien à l’échelle du quartier que se joue l’enjeu et surtout à celle de l’îlot.
A ce niveau c’est la diversité des morphologies d’immobilier habitat, des typologies de logement et des statuts résidentiels qu’il faut agir. On constate alors, à la lueur de la pratique, récente ou retrouvée, que la diversité est facteur de complexité urbaine et d’intensité. La variété typologique et morphologique permet une perception bien plus basse des densités d’occupation. De même la fin du monolithisme immobilier (qui n’a rien à voir avec la monotonie des volumes mais y concourt activement) crée une perception plus complexe de l’îlot concerné, sa classification (inconsciente) dans les standards sociaux est alors plus subtile et plus riche. Cette piste sera fructueuse mais elle demande une qualité de conception bien supérieure et une mise en œuvre notablement plus difficile.
Sur le renouvellement urbain
Je ne reviendrai pas sur la légitimité du principe même de renouvellement urbain qui ressort d’un constat de blocage : Normalement depuis ses origines, la ville se renouvelle spontanément (hormis Néron et quelques barbares !)
Dans le cas de nos grands ensembles c’est la naissance même de l’opération qui porte les germes du blocage. Issue de la tabula rasa, théorisée et pratiquée, construite simultanément par un seul maître d’œuvre avec un langage architectural unique (et souvent d’une singulière pauvreté ), maîtrisée par un seul opérateur ou presque, propriété d’un seul ou de quelques bailleurs. Bref le système est loin d’être auto-correctif et ne permet aucune reprise progressive aucun rapport à une histoire du lieu ancienne ou à écrire. L’erreur courante c’est de recommencer de la même manière : Un concours brillant avec un projet global et définitif pour une action limitée dans le temps.
Il faut abandonner la vision réparatrice du renouvellement urbain et renouer avec les principes du renouvellement permanent. L’ANRU s’engage courageusement dans cette vision. Le renouvellement manie à la fois la réhabilitation et la rénovation. C’est en cela qu’il permettra la gestion du temps et la réintroduction de quartiers artificiels dans le tissu organique de la ville.
Une piste intéressante car pragmatique, composite et socialement porteuse est celle du faubourg. Certes, il n’est pas très ambitieux de proposer à nos banlieues un avenir de faubourg mais en réalité c’est l’aspiration possible. Le faubourg est intéressant car il travaille d’ex-trames agricoles, dons plus vastes, des friches artisanales et industrielles et des échelles de temps variées. Il permet des évolutions pacifiques et progressives, “par casier”, de la structure urbaine. De plus le faubourg marie des textures différentes, grands hangars, villas ouvrières, immeubles de rapports, école “Jules Ferry” et possède un tissu viaire économe mais hiérarchisé, se pose sur des multiplicité de propriétaires et de tailles parcellaires et, enfin, a une capacité à se densifier sur lui même sans difficulté. Il ne convient pas de copier l’apparence du faubourg mais de s’inspirer de ses traces et de ses processus de composition.
Sur le centre et les commerces
La question du centre de la ville est constitutrice de la ville elle même. Ce sont les origines de la ville, le siège des pouvoirs, le lieu de l’excellence (économique, artistique, intellectuelle). Les structures administratives, les hôpitaux, les cinémas, les universités et les sièges d’entreprises ont déserté le noyau urbain. Le pari est d’y substituer autre chose que le point de rassemblement des touristes nostalgiques. Les commerces sont alors la valeur refuge mais insuffisante en raison de leur clôture la nuit et le WE. Les lieux de convivialité : restos, bars et boites de nuit peuvent suppléer mais avec des contraintes rudes.
Concentrons nous sur le commerce, au delà des hypermarchés dont la taille et la conception pensée pour l’automobile est contradictoire avec l’urbain; il subsiste un tissu de commerces, de proximité certes, mais aussi des soins à la personne (habillement, etc..) ,de technologie et de culture. Ils sont dans les centres commerciaux. Pourquoi ? Par confort (circulations couvertes), par sécurité (services partagés) par aspect pratique (cellules commerciales équipées, accessibles et standardisées) Hormis la question du socle de ces centres (surélevés pour l’auto); c’est un concept de l’espace privatisé qui remplace celui de du lieux public. Un centre commercial est fermé durant la nuit et le WE, il est “mort” donc inutile. Monofonctionel, il devient une friche temporelle. Par ailleurs c’est un espace qui est sous la garde de sociétés de surveillance et non du service de l’ordre public. La limite est ainsi évidente, lieu de commerce exclusivement il ne peut remplir la fonction d’”agora” chère à nos origines démocratiques. Accessoirement ce genre de lieux fermés sur eux même présente majoritairement à la ville des arrières c’est à dire des poubelles et des quais de livraison, il y a plus sympa comme paysage !
Ce constat ne serait pas trop gênant si le linéaire de commerce (considérable) ainsi utilisé n’était manquant à la trame urbaine publique des centres villes. C’est donc une réflexion de fond qu’il faut engager pour réhabiliter la rue publique lieu de mélange, de frottements et de passage, de commerce et de loisirs, de permanence et de théâtre etc ..
La couverture de certaines rues pour renouer avec les galeries, les arcades et les marchés couverts est à ré-inventer.
Sur l’habitat
Le travail est en cours : depuis 5 ans, grâce ou avec l’embellie de la promotion, les opérateurs avancent, les concepteurs ouvrent de nouveaux horizons. Les enjeux environnementaux (et particulièrement énergétiques) sont une chance historique.
Dans le logement, l’augmentation du nombre des ménages (durée de vie et séparations) participe fortement à la crise mais change les typologies de logement demandées et produites. La taille baisse mais il faut aussi pouvoir accueillir les enfants le WE. Le besoin est désormais beaucoup plus divers et orienté vers des espaces privatifs extérieurs (balcons terrasses et jardins)
La question de l’évolutivité des logements est encore en panne pour le collectif mais avance vite et bien pour l’individuel, même groupé.
La piste du logement intermédiaire (accès indépendant, mais superposition et espace extérieur à 25 % de la surface de plancher) est une piste encore trop faible mais vraiment prometteuse.
Le statut d’occupation des logements doit également évoluer, entre la location et la propriété classique, il y a des pistes qui se dérouleront dans la propriété progressive (location-attribution) ou partielle et réversible (1 ou deux pièces qui repartent en viager à la retraite). L’autopromotion immobilière (issue des Baugruppen) est également un moyen efficace pour créer du lien social et de l’audace dans la création de patrimoine habité.
Sur le projet urbain
Il n’y a de projets urbain que au service d’une stratégie politique (l’art de gérer la ville - étymologie) C’est une une vision de l’homme, de sa place unique et collective dans le fonctionnement social qui génère une posture. Celle ci fabrique une pensée sur le territoire et le temps, elle n’est pas à l’échelle des échéances mais se combine avec elles. Les coups urbains ne peuvent - et ne doivent - qu’être au service de cette vision. Le reste ce sont des outils et des moyens jamais des finalités. Je recommande la lecture du site de l’ERU à ce sujet et le document sur Nantes à charger sur le lien : http://www.ecoledelarenovationurbaine.com/fileadmin/upload/ConfActrNantes.pdf
Ces principes demandent d’excellent techniciens de l’espace, des élus visionnaires et lucides. Ce n’est pas chose aisée car souvent la vision est celle du technicien, et l’élu se réfugie trop vite dans le comment, faute de pourquoi. Ce n’est pas une critique mais simplement la nature humaine et la facilité devant l’énorme responsabilité de procéder au cadre de vie
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