vendredi 30 mars 2012

Ville et commerce, quel rapport

Penser le commerce en ville, un chantier inachevé.



L'objet de cette note est de participer, par addition avec d'autres à la fabrication d'un canevas d'entretien pour réaliser un ouvrage sur la commercialité et la ville.

Public – privé :

Éminemment privé dans son fonctionnement, voire pour ses acteurs indépendantiste et ultra libéral, le commerce est d'intérêt public. En effet, que serait l'espace public sans "l'animation" des commerces, que serait notre vie quotidienne, pourtant le libre échange est désormais unanimement reconnu comme un facteur de la vie économique à encadrer, au mieux, ou à libérer, au plus radical.
A question de la destination des espaces de rez de chaussée, comme les angles de rue, les centres commerciaux de quartier, ne peuvent désintéresser les élus.
Le lien fort entre l'espace public, collectif, et les actions qui conduisent les pratiquants de cet espace à le franchir est indéniable. Et il n'est pas envisageable d'adosser la pratique des espaces publics, qui font société, uniquement sur des activités de service public, au demeurant en régression. L'école, l'hôpital, la mairie, le commissariat, l'hôtel des impôts pour asseoir une place, sans doute mais aussi le bistrot, la boulangerie, l'auto école et le teinturier.

L'action publique est la seule capable de durer dans le temps et de rétablir des équilibres entre territoires et pourtant. Si elle est destinée à servir aux populations, elle aidera en réalité des initiatives privées. Cela pose, semble t'il problème. Les considérables moyens mis en œuvre récemment pour sauver le secteur bancaire, vont ils changer la donne ?

Et pourtant il n'y a pas vraiment de filière de régulation.
Si l'on veut plus une ville passante, qu'une ville "franchisée" il faudra la préserver, la refaire et la soutenir.

La gestion des espaces voués au commerce est un métier :

La gestion des lieux de commerce est finalement peu maitrisée, si l'on excepte le droit de préemption. Majoritairement en propriété individuelle, les pieds d'immeubles qui servent de cadre aux commerces traditionnels, font office de caisse de retraite pour les exploitants qui vendront, le foncier (ou la charge correspondante), la partie immeuble et éventuellement le fond. Finalement une situation identique à celle des agriculteurs, il y a 20 ans. Ce système basé sur la transmission familiale, est il le meilleur dans un monde de mutations permanente ?
Face à lui, des foncières mutualisent les couts et les amortissements, mais privatisent la fonction urbaine, en la séparant du sol, du contexte et des fonctions non marchandes, voire des activités marchandes non commerciales (bureaux, services à la personne) et évidemment de l'habitat.

Faire rentrer ces lieux dans la banalité de gestion immobilière serait pourtant une voie d'échec, la pratique des bailleurs Hlm en est l'illustration, les surfaces de rdc vides, se remplissent bien mieux lorsqu'elles sont gérées par des opérateurs externes ou des filiales spécifiques.

La proximité et l'éloignement : un seul cadre mais des usages différents et des surfaces variées

Il est probablement indispensable de segmenter les activités de commerce, services ou distributions. Les uns nécessitants proximité ou centralisation de l'accès téléphonique, les autres stocks et lieux de vente plus ou moins importants. Il est probablement trop tôt pour traiter des deux, aussi centrerons nous la distribution.

Deux questions se croisent pour imaginer le commerce de distribution de demain : le lieu et la taille.
La stratégie d'entreprise par simultanément diminution des marges et augmentation des chiffres, obligeait à la mise en place de surfaces de plus en plus grandes. Ce faisant, la "grande" distribution migrait en périphérie et se rendait dépendante d'un mode de transport, le véhicule individuel. Accessoirement ce mode de commerce devenait une sorte de loisir par la consommation (la sortie de la semaine à l'hyper) et poussait les ménages à l'accroissement de la consommation individuelle et l'accumulation d'objets.

Parallèlement, mais bien postérieurement, le début de recentrage du budget des ménages vers les services (voyages, dépendances, etc.), l'apparition des principes de "frugalité" encore peu répandus mais "altermondialistes" et bien évidemment, la réduction drastique du pouvoir d'achat d'une partie grandissante de la population poussent à la remise en cause du phénomène zone commerciale + hyper marché.

Deux éléments complémentaires pointent également dans la balance des arbitrages : le cout des carburants, donc des déplacements inhérents liés à l'accès aux "zones" dédiées, renforcer par le cout en temps et la conscience de l'inflation des achats liés à ce mode de consommation. Enfin la capacité d'acheter, au meilleur prix, dans le meilleur confort, certes sans voir réellement mais avec le conseil "avisés" des autres consommateurs (une nouvelle communauté ?) sur internet.

L'urbaniste se réjouira de l'arrêt des zones commerciales dédiées, car elles mettent en place une segmentation de l'espace peu propice à la sureté urbaine, à l'optimisation des sols et surtout cassant des dispositifs qui autrefois faisaient société. L'engagement eco-responsable suivra le même cheminement d'autant plus facilement que ces zones occupent généralement des terres agricoles de valeur et souvent plates et accessibles.

Il y a fort à parier que les deux dispositifs vont coexister et peut être même se combiner. Restent néanmoins quelques obligations essentielles pour accélérer l'alternative, ce qui se justifie par la survie des centres villes, l'optimisation des circulations de personnes et de biens et la mixité des fonctions, sociologiquement facteur de désenclavements. La première condition consiste à situer, rendre possible, optimiser économiquement l'implantation de petites et moyennes surfaces alimentaires et/ou généralistes dans des lieux variés mais visibles et multi accessibles. Le second à trouver des systèmes de portages et de mutations des lieux dédiés de toute taille, afin d'alléger la charge de l'immobilier sur l'activité et de faciliter les évolutions. Enfin, avec le vieillissement de la population mais aussi des choix de vie différents organiser une logistique urbaine de distribution, sous forme de livraisons, de conciergeries de quartier ou d'immeuble en milieu urbain mais aussi de sites multifonctionnels en cadre rural ou périphérique (lotissements). Notons au passage que cela permettrait au service de la poste une reconversion potentielle qui ne saurait être uniquement un apport d'activité mais une mutation radicale de ses activités et la mise en place d'un vrai service public combiné à d'autres activités. Les créations d'emplois seraient sans doute importantes, le bénéfice en transport également. A creuser et expérimenter …….

Il est évident, dans le cadre urbain, que si la métropolisation s'accélère en forme concentrique par gravité naturelle l'hyper centre va voir sa valeur patrimoniale augmenter, sa spécialisation également. La segmentation des lieux de vie des populations aura précédé une vraie division fonctionnelle de l'espace, la commercialité ne fera que renforcer les dispositifs de cantonnements, donc d'exclusion, des territoires. La situation n'aura ainsi quasiment pas changé dans son principe et ses effets.
C'est donc simultanément un développement urbain resserré et en pétales, qu'il faut promouvoir. Ce développement polycentrique, seul permettra la fabrication ou le maintien des entités de centralités de proximité et à l'échelle du mode de déplacement naturel de la population (la marche). La question de la polycentralité reste celle des multiplications. En clair, s'il y a 40 centres secondaires à une agglomération, il n'y en aura aucun. S'il y en a trois, ils vivront et pourraient se décliner en pole tertiaires, d'hyper proximité. Cela doit être débattu et clairement acté, rendu public et durable, afin que les acteurs puissent, avec les bons outils (cf plus haut) s'engager et investir leur travail.


A suivre …..




mercredi 28 mars 2012

La ville par le vide

Un livre poétique et ouvrant un regard nouveau sur l'urbain de Serge Renaudie.
Il se trouve

Des gestes vides de sens.

Un excellent article de Vittorio Magnago Lampugnani dans AA.
Même si la totalité du propos ne peut être partagé, la lecture est vivifiante et saine.
C'est ici

dimanche 25 mars 2012

Mais où va la ville populaire ?

A lire absolument l'ouvrage de Patrick Braouezec en entretien avec Jean Viard.

Les territoires pour les hommes, avis de pensée urbaine pour hommes publiques et responsables de la marche des hommes.



Mais où va la ville populaire ? [Broché] Patrick Braouezec (Auteur), Jean Viard (Interviewer), Franck Vallérugo (Préface) Prix conseillé : EUR 12,00
isbn 0782815904575

dimanche 18 mars 2012

La politique de la ville n'a plus la cote


Banlieues : la politique de la ville n'a plus la cote


LE MONDE |  • Mis à jour le 
Par Sylvia Zappi


Dans le quartier du plateau des Malassis à Bagnolet en Seine-Saint-Denis, un immeuble de 36 logements réalisé par l'architecte Edith Girard.

La banlieue semblait avoir disparu des radars politiques. A moins de quarante jours du premier tour, Nicolas Sarkozy et François Hollande tentent de serattraper par une double visite thématique, vendredi 16 mars. Le premier se rend à Meaux (Seine-et-Marne) pour parler rénovation urbaine, quand le second se déplace dans le quartier de la Meinau à Strasbourg pour y tenir un discours sur lapolitique de la ville. Un rattrapage qui a du mal à masquer ce point aveugle de la campagne que sont devenus les quartiers populaires.
La présidentielle de 2007 avait vu pour la première fois les banlieues surgir dans l'agenda politique. Les émeutes, deux ans plus tôt, avaient rappelé brutalement l'existence de ces quartiers relégués. Nicolas Sarkozy promettait de les "nettoyer"pour répondre à la demande de sécurité. Ségolène Royal, candidate socialiste, avait senti le vent et, ne cessant de vanter "la formidable énergie" des habitants des quartiers, réussissait à redonner une assise électorale à un PS qui en manquait fortement hors des centres-villes.
"UN SUJET À RISQUES POUR LA GAUCHE"
Cinq ans plus tard, le panorama a changé. Peu de campagnes civiques pourinciter à l'inscription sur les listes électorales, peu de visites mettant en scène les candidats "à-la-rencontre-des-habitants-des-quartiers" et, surtout, pas ou peu de propositions spécifiques pour les banlieues. "Les politiques ont le sentiment aujourd'hui que moins on en parle, mieux ils se portent", remarque Didier Lapeyronie, professeur de sociologie à Paris-IV. A ses yeux, Nicolas Sarkozy n'a pas intérêt à s'y rendre par peur d'un accueil trop agité. "Pour proposer quoi, après toutes ses promesses et ses rodomontades ?", s'interroge ce spécialiste des banlieues. Quant au PS, "ses ténors n'y vont pas car ils ont peur que cela ne leur coûte des voix", tranche-t-il.
Un avis sévère partagé par Jacques Donzelot, sociologue de l'urbain. "C'est un sujet à risques pour la gauche. Dans le climat d'angoisse lié à la crise, toute sollicitude marquée à l'égard des quartiers est perçue comme une attention particulière en direction des immigrés et cela fait perdre des voix."
"Les immigrés, les quartiers, sont dans la campagne avec les discours anti-immigrés de Sarkozy. C'est même devenu une question de démarcation avec la gauche. Le problème c'est que la gauche n'en parle pas", renchérit Vincent Tiberj, chercheur au Centre d'études européennes de Sciences Po.
La gauche, représentante légitime des défavorisés, aurait déserté. "Dans les années 1980, la gauche était moteur sur cette question. On sent un essoufflement des politiques nationaux comme des élus locaux", raconte Maguy Bacqué, professeure d'urbanisme à l'université Paris-Ouest - Nanterre. Cette déconnexion aurait deux sources majeures. La première, sociologique : la gauche a peu de militants dans les quartiers. "Le PS y a perdu son ancrage et ses relais", remarque Rémi Lefevre, professeur de sciences politiques à l'université Lille-II. Avec son déclin électoral, le PCF n'y est plus guère non plus.
La seconde relève du bilan de la politique de la ville : depuis trente ans, les ministres comme les élus locaux tentent de répondre à la crise des banlieues par la rénovation de l'habitat et l'amélioration du tissu urbain. "Cela n'a pas résolu les problèmes premiers qui sont d'abord ceux du chômage et de la précarité", indique Mme Bacqué.
"UNE POLITIQUE TOTALEMENT CONSENSUELLE ET QUI, POURTANT, A ÉCHOUÉ DANS SON OBJECTIF DE MIXITÉ SOCIALE"
Pour beaucoup de spécialistes, la politique de la ville a servi de "cache-sexe"."Elle ne résout pas les problèmes sociaux mais elle rassure les élus car tout le monde a l'impression de "faire quelque chose" avec des réalisations visibles", souligne le sociologue Renaud Epstein. Mais le seul vrai succès de cette rénovation urbaine, à ses yeux, est "d'avoir fait sortir la question des banlieues du débat public" : "Comment la gauche peut-elle critiquer une politique que ses maires mettent en oeuvre ?" Le jugement est partagé par Jacques Donzelot : "C'est une politique totalement consensuelle et qui, pourtant, a échoué dans son objectif de mixité sociale et de mieux vivre."
A l'instar de l'association Ville et banlieue (lire ses propositions), le PS ne jure plus que par un mot, "les territoires délaissés", qui englobe les communes rurales pauvres. M. Hollande affiche désormais un objectif, le "droit commun", pour désigner son approche des quartiers. Il faudrait donc décliner, comme dans d'autres territoires, les politiques publiques de logement, d'éducation ou d'accès aux services publics pour résoudre l'exclusion territoriale.
"La politique spécifique de la banlieue l'exclut du droit commun, et ce n'est pasrendre service à ses habitants, assène Marianne Louis, responsable de la politique de la ville auprès du candidat socialiste. Quand on parle maintien de La Poste, quelle différence entre Evry ou une ville pauvre comme Trélazé dans le Maine-et-Loire ?"
Le tournant ne convainc pas les spécialistes ni les associations. "C'est un non-sens absolu car les questions de ségrégation, d'inégalité des chances selon l'endroit où on habite, disparaissent", s'étonne M. Donzelot. "Le PS démontre encore qu'il n'a pas su se saisir des problématiques de reconnaissance des minorités et de lutte contre les discriminations", conclut M. Epstein. Et pourtant, l'enjeu est réel, rappelle M. Tiberj : "Il y a dans ces quartiers un électorat au moins autant aligné sur la gauche que les artisans et commerçants sont à droite."

Rénovation urbaine : 45 milliards investis
Le projet. La rénovation urbaine, lancée en 2003 par Jean-Louis Borloo, alors ministre délégué à la Ville, ambitionne de rénover 490 quartiers sur la période 2004-2013. A ce jour, 395 quartiers ont fait l'objet d'une convention et une centaine de chantiers sont terminés.
Financement. 45 milliards d'euros, dont 30 déjà engagés, seront investis, selon l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). 12,3 milliards proviennent des subventions de l'ANRU. Depuis deux ans, l'Etat ne parvient plus à la financer et fait peser sur Action Logement (l'ex-1 % logement) et les bailleurs sociaux la part qu'il est censé verser à l'agence.

Propositions pour les banlieues


L'association d'élus Ville et banlieue rend publiques ses propositions


Le Monde.fr | 

Les banlieues seraient-elles les grandes oubliés de la campagne présidentielle - ici, un quartier proche de Marseille, le 12 janvier 2012 ?

Voilà enfin du grain à moudre sur les banlieues. Alors que le sujet est désespérément absent des radars politiques depuis le début de la campagne présidentielle, l'association d'élus Ville et banlieue rend publiques, jeudi 8 mars, 120 propositions en faveur des quartiers difficiles, dévoilées par Le Monde.
L'initiative vise avant tout à remettre le sujet au cœur des débats, alors qu'il n'est abordé que du bout des lèvres par les candidats. "L'état des banlieues est pourtant un bon indicateur de ce que pourrait être le reste des quartiers dans dix ans si l'on ne fait rien", prédit Renaud Gauquelin, président de Ville et banlieue et maire (PS) de Rillieux-la-Pape (Rhône).
RENFORCER LES MOYENS DES ZEP
Les propositions s'articulent pour l'essentiel autour des questions d'éducation, de santé, de logement et d'emploi. L'association propose de mettre l'accent dès les premières années sur "l'apprentissage renforcé de la langue et de l'expression française à l'école primaire". Une idée qui va dans le sens de toutes les études sur la question, considérant qu'une formation initiale renforcée coûte moins cher, in fine, qu'un important effort de rattrapage. En parallèle, les enfants pourraientrecevoir des cours de civilisation et de langue et étudier une seconde langue qui serait celle du pays d'origine de leurs parents.
Ville et banlieue suggère de renforcer très significativement les moyens à destination des zones d'éducation prioritaire (ZEP). L'association demande "100 % de moyens supplémentaires par élève en ZEP alors que celles-ci ne bénéficient aujourd'hui que de 7 % de moyens en plus". Si le coût moyen d'un élève n'est pas connu, on sait en revanche que l'essentiel de cette dépense est affecté aux salaires des enseignants. Ceux travaillant en ZEP sont souvent plus jeunes et par conséquent moins payés, rendant relatifs les efforts financiers.
LUTTE CONTRE LES DÉSERTS MÉDICAUX
En matière de santé, l'association propose un "numerus clausus différencié" qui lierait les médecins aux territoires les plus délaissés. L'idée rejoint une proposition faite par François Bayrou de "flécher" l'affectation des praticiens. Ville et banlieue suggère également de financer les études des futurs médecins en échange d'une installation de cinq à dix ans dans les déserts médicaux. Une proposition qui a déjà été mise en œuvre dans les zones rurales. Des départements comme l'Indre ou la Vienne y ont déjà recours.
Les élus de banlieue avancent par ailleurs l'idée d'une amende massue pour les "maires hors la loi" qui refusent les 20 % de logements sociaux imposés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU). Il leur faudrait verser une pénalité équivalente au coût de production d'un logement. Cette amende serait reversée aux maires respectant le seuil des 20 %.
EMPLOIS FRANCS
En matière d'emploi, Ville et banlieue propose la création d'emplois francs en plus des zones franches urbaines (ZFU) existantes. Ces emplois permettraient aux jeunes des banlieues d'être embauchés en dehors de leur quartier, attachant"l'exonération [fiscale] au demandeur d'emploi" et non à la cité. Si les ZFU n'ont pas suffi à faire venir de nouveaux emplois, elles ont permis en revanche le maintien de certains commerces. Leur cumul avec les emplois francs risque depeser sur le budget de l'Etat. Cet automne, le ministère du budget avait été réticent à la prolongation de deux ans des ZFU.
Une proposition originale, enfin : celle d'organiser un grand débat national sur la relation entre les médias et la banlieues. "La réalité de la violence ne saurait être la seule réalité de ces quartiers", juge Ville et banlieue.

Les zones de sécurité prioritaires

Les zones de sécurité prioritaires: quels quartiers, quels moyens?


24 janvier 2012


François Hollande a repris, jeudi 26 janvier, dans ses 60 engagements, la promesse du Parti socialiste de créer des zones de sécurité prioritaires. Il en avait déjà fait sa proposition "sécurité" de la journée au Bourget, dimanche.
"La sécurité est un droit et je le ferai respecter en créant des zones de sécurité prioritaires là où il y a les taux de délinquance les plus élevés, en mettant des postes supplémentaires, 1000 chaque année, dans la justice, dans la police, dans la gendarmerie, en rapprochant les forces de l’ordre des citoyens"
Première remarque, au passage. Il n'est définitivement plus question d'embaucher 10000 policiers et gendarmes comme promis dans le programme du PS, mais 5000 - en incluant, en plus, la justice, donc. François Rebsamen, chargé de la sécurité dans la campagne du candidat socialiste, l'a confirmé, lundi soir, lors d'un débat avec le ministre de l'intérieur sur Public Sénat.
Une zone de sécurité prioritaire, c'est quoi? Le concept est issu des 22 propositions du Forum des idées de Créteil sur la sécurité organisé par le PS le 17 novembre 2010.
"Nous définirons des 'zones de sécurité prioritaires' dans lesquelles un traitement curatif préalable sera engagé et qui mobilisera, durant tout le temps nécessaire, les services de répression et de renseignement concernés par la lutte contre l’économie souterraine et les violences urbaines. Il s’agira d’identifier, d’interpeller et de déférer les auteurs de trafics ou de violence qui se sont appropriés le territoire.
Dans chaque 'zone de sécurité prioritaire', un magistrat du parquet sera spécialisé et désigné comme référent des forces de sécurité. Les groupes locaux de traitement de la délinquance y seront relancés."
François Rebsamen, Bruno Le Roux, Jean-Jacques Urvoas
Concrètement, François Rebsamen, sénateur et maire de Dijon,  qui a annoncé plus de détails dès jeudi 26, avec la conférence de presse de François Hollande, a développé, dans le quotidien régional Le Bien Public, le concept:
"Des CRS ou des gendarmes mobiles seraient installés de manière pérenne pour sécuriser le quartier." 
Les CRS "pourraient rester un, deux, trois, quatre, cinq mois… s’il le faut", explique plus loin M. Rebsamen. Cette proposition renvoie à... avril 1999, lorsque le conseil de sécurité intérieure présidé par le premier ministre Lionel Jospin (le ministre de l'intérieur est alors Jean-Pierre Chevènement) avait annoncé l'affectation de 3000 CRS et gendarmes mobiles à des "missions de fidélisation" dans les quartiers sensibles, accélérant une tendance lourde qui date des épisodes de violences urbaines du début des années 1990. La durée de cette "sédentarisation" avait alors été fixée à six mois. Le but: la lutte contre les violences urbaines, et l'accompagnement de la mise en place de la police de proximité, gourmande en effectifs.
Nicolas Sarkozy a repris à son compte, en 2002, cette stratégie. Les CRS sont donc largement utilisés dans ce qu'on nomme aujourd'hui les "missions de sécurisation". Dans son rapport de juillet 2011, la Cour des comptes notait qu'en 2010, en moyenne, 18,6 unités/jour étaient affectées à ce type de mission, contre 12,6 pour le maintien de l'ordre. La proportion est la même pour les gendarmes mobiles.
Mais les CRS, ça coûte cher:  en déplacement, ils sont logés et nourris gratuitement, ils reçoivent l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT, 30 euros/jour) et 9,25 euros par heure supplémentaire. Depuis 2007, si les ministres de l'intérieur continuent donc à faire largement appel à cette solution (pratique, répétons-le, quand les effectifs globaux baissent), ils ont également opté pour le développement d'unités spécifiques (unités territoriales de quartier, UTeQ, puis brigades spéciales de terrain, BST), avec un bilan mitigé.
Le débat sur l'opportunité d'utiliser des CRS lourdement équipés à des missions de sécurisation, ce qui est mal vécu par les habitants des cités, sera probablement relancé. Tout dépendra en fait du mode d'utilisation des ces policiers. A Marseille, le préfet délégué à la sécurité, Alain Gardère, est parvenu à les faire patrouiller deux par deux, avec des policiers de sécurité publique. A suivre.
 "Une mission interministérielle piloterait l’action des douanes, des finances… Je n’oublie pas, avec ce volet, la prévention." (toujours dans Le Bien Public)
Là aussi, François Rebsamen devra préciser. Tel que, cela fait penser aux GIR, les groupes d'intervention régionaux réunissant policiers, gendarmes, agents du fisc et des douanes. Ils ont été créés en 2002 par Nicolas Sarkozy pour "se consacrer à des actions en profondeur de lutte contre l'économie souterraine" et permettre "le retour de la présence policière dans des zones où elle n'avait plus droit de cité". Il y en a une trentaine en France.
Au Forum des idées de Créteil, 17 novembre 2010
Enfin, qui choisirait ces zones, et combien seraient-elles? Le 29 novembre 2011, François Rebsamen avait indiqué au Monde que 100 zones seraient créées. Il a affirmé, dans Le Bien Public, que le Parlement se chargerait de choisir. Sage décision: on imagine la concurrence qui pourra naître entre les élus pour obtenir ces moyens supplémentaires. Il existe, par exemple, 750 zones urbaines sensibles en France... Autant de candidats potentiels.
Selon l'Observatoire des zones urbaines sensibles (Onzus), dans ces quartiers, le sentiment d'insécurité est en moyenne le double du taux moyen en France (28% contre 13% en 2011) et 51,1% des habitants jugent l'action de la police inefficace, selon l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP). Mais le niveau de délinquance est très variable: "Selon les régions, en 2010, le taux de faits constatés varie d’un taux moyen de 21,4 pour 1000 habitants dans les ZUS d’Auvergne à 68,5 pour 1000 pour celles du Nord-Pas-de-Calais", explique l'Onzus.
Autre élément parfois oublié: la délinquance enregistrée est plus importante dans les circonscriptions dont dépendent les quartiers difficiles que dans les quartiers difficiles eux-mêmes. Logique: pour qu'il y ait un vol, il faut qu'il y ait un voleur mais il faut aussi qu'il y ait une victime avec quelque chose à voler - ce qui est plus le cas dans les quartiers pavillonnaires ou les centres-villes qui jouxtent les cités que dans les cités elles-mêmes. Ce qui explique - plus que la dangerosité supposée des quartiers - que les cités ne soient pas une priorité en terme de patrouilles pour les responsables policiers locaux. Les commissaires souhaitent avant tout faire baisser les atteintes aux biens, qui constituent plus de 60% des chiffres de la délinquance.
Evidemment, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de délinquance "réelle" dans ces quartiers, et notamment du trafic de drogue. Mais celui-ci pèse peu dans les statistiques...

Ministère de l'égalité des territoires ?

François Hollande propose la création "d'un ministère de l'égalité des territoires"


Élection présidentielle 2012

Hollande propose la création "d'un ministère de l'égalité des territoires"

Le Monde.fr | 16.03.2012 à 15h09 • Mis à jour le 16.03.2012 à 17h29
François Hollande dans le quartier de La Meinau, à Strasbourg, le 16 mars.
François Hollande dans le quartier de La Meinau, à Strasbourg, le 16 mars. | REUTERS/VINCENT KESSLER
François Hollande a proposé, vendredi 15 mars, à Strasbourg plusieurs mesures pour désenclaver les quartiers populaires, dont un nouveau plan de rénovation urbaine et la création d'un nouveau ministère.
Le candidat socialiste a d'abord éreinté la politique de Nicolas Sarkozy en direction des quartiers. Ainsi, loin du "plan Marshall pour les banlieues" promis en 2007 par le président-candidat, un "plan Espoir banlieues" a été présenté en 2008, mais a été "un échec", selon M. Hollande, pour qui ce plan a été rebaptisé par les acteurs du secteur "plan désespoir banlieues".
Partisan d'un décloisonnement du traitement des problématiques de banlieues dont il estime que ce ne sont pas des territoires "à part" de la République, il a annoncé la création d'un "ministère de l'égalité des territoires et de la cohésion sociale, dépendant directement du premier ministre, qui permette de remobiliser le droit commun dans les quartiers mais pas seulement : dans les zones péri-urbaines, et les campagnes".
Il a notamment rapproché les quartiers de banlieue et les zones rurales qui connaissent les mêmes difficultés d'accès aux soins. "Le manque de médecins et de professions de santé, ce n'est pas seulement vrai dans les zones rurales mais aussi dans les quartiers, a déploré M. Hollande, ajoutant que ce phénomène concernait aussi les pharmacies.
"Je m'engage à ce que personne en France ne soit éloigné d'un soin d'urgence de plus de trente minutes, il y aura des pôles de santé installés dans les quartiers", a-t-il assuré, ajoutant qu'il favorisera "des stages obligatoires des jeunes médecins dans les quartiers où il y a des déserts médicaux".
Répondant à une doléance exprimée depuis plusieurs années par les maires de villes de banlieue qui plaidaident pour un "ANRU 2", le candidat socialiste a également annoncé un nouveau plan de rénovation urbaine d'un milliard d'euros sur le quinquennat. Il compte notamment le financer par "un élargissement de la taxe sur les logements vacants et de la taxe sur la cession des terrains à bâtir".
Les copropriétés dégradées - à l'image de celle du Chêne Pointu, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) - qui étaient exclues du premier plan ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) mis en place par Jean-Louis Borloo en 2004, seront cette fois concernées.
François Hollande reprend par ailleurs une des mesures proposées par l'association d'élus Ville et banlieue, le 8 mars, en proposant la création d'"emplois francs" : désormais, l'exonération fiscale proposée jusqu'ici dans les zones franches urbaines ne serait plus attachée à un territoire, mais au demandeur d'emploi issu de ce territoire. Ainsi une entreprise qui l'embaucherait sans être implantée dans son quartier bénéficierait de l'exonération.
Il a reprit l'idée formulée en début de semaine de remettre à plat les différents zonages : "On est de France, on est d'un République, on n'est pas d'une zone", a-t-il lancé. Le candidat socialiste avait pourtant lui-même annoncé lors de son grand meeting du Bourget, le 26 janvier, la création d'une nouvelle zone : la "zone de sécurité prioritaire".
Dans les transports, M. Hollande voudrait également généraliser une autre mesure déjà en vigueur à Strasbourg, "la tarification solidaire, basée sur le quotient familial de l'usager".
"Toutes les politiques publiques, politiques de sécurité, seront amplifiées, démultipliées dans les quartiers", a-t-il assuré.
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