jeudi 28 août 2014

Qui fait quoi en matière d'aménagement foncier.

Extrait d'un texte écrit pour un ouvrage de l'USH sur l'optimisation foncière.




Les processus en cours pour l’optimisation foncière sont de deux natures, ce qui explique en partie les difficultés souvent redoutées. Le premier domaine concerné est celui de l’aménagement et de l’urbanisme, le second de l’immobilier et de l’architecture. Les savoirs, les temporalités de chacun sont différents, cependant, ils s’emboîtent et interfèrent l’un sur l’autre.
En logique, le travail urbain et les procédures d’aménagement anticipent celle de l’immobilier, de la conception architecturale et de la construction. Mais les objets sont souvent imbriqués et dans le cas du renouvellement urbain, l’existant commande la mutation. 

La logique économique du processus urbain est le bilan d’aménagement, celle de l’immobilier est le bilan de l’opération. Or, la principale recette de l’aménageur est la charge foncière qui représente une dépense de poids pour l’immobilier.

La logique sociale et politique de l’aménageur est de développer la capacité du territoire à créer de la richesse sous toutes ses formes et de façon pérenne. La logique de l’acteur immobilier est de mettre en place un cadre de vie habité propre à un ou plusieurs usages. Les enjeux du second sont conditionnés par le premier et les interactions sont multiples.

Les acteurs de l’aménagement sont, au premier rang, les collectivités municipales et intercommunales car elles ont le territoire à charge et la compétence de l’urbanisme. Leurs outils sont les aménageurs proprement dits sous forme de sociétés d’économie mixte de sociétés publiques locales ou d’opérateurs Hlm mais aussi de prestataires extérieurs mandatés dans un but défini et contractuellement. Les maîtres d’oeuvres des opérations, urbanistes, sont mandataires d’une équipe fortement pluridisciplinaire et conçoivent, après analyses partagées, le projet urbain.

Le projet urbain est d’abord un projet politique pour le territoire à partir d’une vision détaillée de la situation par la stratégie de développement qui structurera son avenir. Ce projet se matérialise sous forme de schéma puis de plan directeur. Ce dernier sera constamment remis à jour et amendé suivant les opportunités et les contraintes. Puis il sera décliné sous forme de cahiers des charges ou fiches de lot et, enfin, réalisé par les opérateurs immobiliers. 

Très fréquemment, en considération pour l’importance des espaces publics dans la vie quotidienne mais aussi pour la qualité urbaine et l’exemplarité, la maîtrise d’oeuvre en échoit à l’équipe de conception urbaine.

Les acteurs de l’immobilier sont les opérateurs de l’habitat, des équipements, des activités et des commerces. Si les équipements sont des éléments très structurants de l’espace urbain, c’est surtout l’habitat qui fait la masse des interventions. Parmi ces acteurs, on trouve les promoteurs immobiliers, les foncières locatives, les organismes d’hlm, les pavillonneurs et groupes d’habitants réunis en autopromotion ou en coopérative.
Notons que chacune des «filières» est séparée, il importe qu’elles travaillent ensemble pour assurer la diversité urbaine et l’optimisation des tènements. Dès que cela est souhaitable et possible, il faut même empiler les fonctions, donc partager les opérations.

Les échelles de conception et de décision sont proportionnelles aux enjeux. Grossièrement on peut caricaturer en signalant :
L’avenir d’un quartier est décidé par les élus, c’est l’atelier d’urbanisme qui le dessine (plan directeur) ;
Le dessin de l’îlot est arrêté par l’aménageur et l’urbaniste en fixe les règles (plan de zone) ;
Le projet immobilier sur sa parcelle est assumé par l’opérateur immobilier et dessiné puis mis en œuvre par l’architecte.

De façon similaire et toujours caricaturale :
Le plan directeur fait débat avec les habitants de la ville et du quartier, puis du conseil municipal ;
Le fonctionnement de l’îlot fait l’objet de diagnostics partagés, puis d’ateliers urbains et de la participation des habitants et des associations du quartier ;
Le projet immobilier et l’aménagement de la parcelle sont débattus avec ses habitants et le voisinage.

Enfin, si la concertation entre les élus, les concepteurs et les citoyens est acquise, celle entre opérateurs et concepteurs d’un même îlot est moins courante et pourtant très productive. C’est au sein des ateliers à l’échelle de l’îlot que se combinent les marges de manoeuvre et se mutualisent des usages et des statuts. L’expérience prouve que ces  moments de travail partagés sont souvent bien reçus et participent à développer non seulement l’efficience de l’usage du foncier, mais également anticipent la gestion future et optimisent la qualité urbaine perçue tout en faisant baisser les coûts de fonctionnement.

Cette pratique est bien évidemment très éloignée en résultat de celle des «Macro lots» qui affecte un «super îlot» à des opérateurs (souvent filiales d’entreprises du BTP) avec charge à eux de diversifier le découpage parcellaire, l’affectation de bâtis, finis, à la diversité des populations et des statuts, souvent par des VEFA. Ce dispositif est une variante de la fabrication du grand ensemble et procède de l’abandon par la collectivité de sa compétence en urbanisme. Les résultats en sont généralement désastreux, puisque produit d’une pensée et d’une fabrication unique, figée dans le temps, son évolution ne sera que difficile et son vieillissement fatalement à la même échelle. 
  
Les mutations foncières sont au cœur du renouvellement urbain aussi faut-il en arrêter les plans. La mutation parcellaire doit être déterminée dès le début du processus, c’est le moteur de la pérennité de l’organisation générale. Ce travail est le fruit de scénarisations et de tests dans le cadre d’un tracé de composition urbaine à grande échelle. Il laisse souvent de nombreuses possibilités de réponses architecturales. Le nouveau cadastre est donc décidé très tôt dans le processus mais il doit être figé bien plus tard. Si les principes restent invariants, le travail d’ajustement entre urbaniste et architecte, aménageur et opérateurs immobiliers, est souvent grandement plus efficace si des marges de manoeuvre sont facilement possibles. Pareillement, on peut espérer également de cette façon limiter les «délaissés», ces espaces qui n’ont ni usage ni fonction donc fatalement mal ou pas entretenus, objets de litiges et de difficultés. Il est donc conseillé de ne cadastrer définitivement et de ne céder les tènements qu’à l’issue des projets et de leurs bonnes implantations.

Ces travaux et ces arbitrages, tout au long du processus de renouvellement du tissu urbain, nécessitent une continuité pour préserver la cohérence des intentions initiales, ne pas se laisser emporter par les difficultés techniques, juridiques, les habitudes de travail. La continuité est assurée par les élus qui sont porteurs des finalités du renouvellement et leurs services mais aussi par l’urbaniste qui effectue une mission de suivi et qui, par une vision d’ensemble, est à même de garder la cohérence des espaces entre eux et d’optimiser chaque objet immobilier, chaque aménagement de parcelle. 
Pour bien effectuer son travail, il faut qu’il soit en situation d’avoir, sinon fait les études d’origine, au moins eu assez de temps pour s’approprier le projet en écrivant sa propre transcription. Il faut également qu’il trouve assez de recul pour négocier avec chacun des acteurs de l’immobilier, donc qu’il soit soutenu par l’élu en charge du projet et pas en rivalité avec les architectes. 

Désormais apparaissent des processus qui permettent de mettre en adéquation les documents d’urbanisme avec les projets urbains. Cela est bénéfique, car autant les PLU sont des cadres solides sur lesquels doivent se construire les projets individuels, autant les mutations d’envergure, les renouvellement de logiques urbaines doivent être retranscrits dans les documents réglementaires et se libérer des règles qui avaient vocation à faire vivre le système antérieur. 
Le projet de recomposition urbaine et de diversification est donc l’occasion de reprendre le fond de la vision sur le territoire et de reconsidérer les «règles du jeu».





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